Bulletin n° 5 ( pages 11 à 19 )

Publié le par robertbeltz

A ce compte-là la vie ne deviendrait-elle qu’un jeu ? Chaque jour, plus de 20 millions de personnes franchissent les frontières du réel vers d’autres mondes. Numériques. Virtuels. Fantasmagoriques. Des mondes de guerre et de vie. On compte aujourd’hui une quinzaine d’espaces virtuels, avec leurs personnages, leur histoire et leurs règles du jeu. Second Life est l’un des plus fréquentés. Sa star ? Anshe Chung, une agent immobilier asiatique. Surprise : les propriétés virtuelles d’Anshe Chung se négocient avec des $ réels. Explication : dans la vie, Anshe Chubg s’appelle Ailin Graef . Cette Chinoise installée à Francfort achète aux développeurs de Second Life des espaces vierges, demande ensuite à ses employés de les aménager, puis loue les propriétés fictives 25$ par mois aux joueurs. Autre jeu lucratif : Entropia. Un monde virtuel où des astéroïdes se vendent des centaines de milliers de $.

Mais revenons à cette relation amoureuse virtuelle des deux héros de " Franziska."

Je rappellerai qu’Apollinaire eut une relation épistolaire d'une liberté inouïe, fondée sur le mythe du coup de foudre et de l'amour idéal après une rencontre dans un train avec Madeleine Pagès: " Ecrivez-moi ces mots qui font que l'on vit."

Il faut admettre que le temps est révolu où le destin se dessine encore à la plume et, où en amour, le cachet de la poste fait foi: le légionnaire Ilo de Franceschi (1er REC au Maroc en 1938) écrit au philosophe Alain pour lui demander de lui envoyer ses "Propos sur la religion " qu'il n'a pas les moyens de s'acheter. Egarée, la lettre est distribuée à une homonyme, Madeleine Alain. Emue par l'appel du légionnaire, elle lui répond. De ce malentendu postal naît une correspondance ardente entre le soldat du désert et la jeune Parisienne, qui, malgré l'occupation allemande, lui envoie livres, cigarettes, sa photo. Le légionnaire parle de la Légion comme de la Trappe. Il élève la lointaine, invisible et si présente Madeleine à la hauteur d'un idéal. Unis par le hasard, Ilo et Madeleine, sa "douce" pour l'éternité, ne se sont jmais rencontrés. Ils n'ont couché leur désir que sur du papier à lettres. Ils reposent aujourd'hui dans le même cimetière. Mais sur leur passion sans avenir, le temps n'a désormais aucune prise à le hanter, à le bercer, comme un pèlerinage à Ithaque          

Sébastien Brant – La Nef des Fous – 1980 –Des messagers farfelus ( p 80 )

Remontons dans le temps : au bronze Praxitèle a toujours préféré le marbre qui permet plus de nuances. Ce matériau très noble, le génie grec le traite comme une peau. D'après la chronique, il le faisait colorier, ou tout au moins ombrer par le peintre Nicias.

Il fut avec Phidias, l'artiste le plus célèbre de l'Antiquité. Il serait même le premier à avoir représenté une femme nue : Aphrodite de Cnide, pour laquelle Phrynée, sa maîtresse, courtisane renommée, aurait servi de modèle. Une statue de marbre tellemement troublante qu'un jeune homme, éperdument amoureux, se serait laissé enfermer avec elle pour lui faire l'amour.

Je voulais écrire ce roman depuis plus de dix ans. Comme le disait Fellini, attendant  de réaliser son " Casanova " : " Vous imaginez un plongeur qui reste trois ans sur le plongeoir ? "Aussi, pynchonien convaincu, (Thomas Pynchon, romancier américain qui réinvente le monde comme il réinvente le roman) j’ai conçu ce roman comme une gigantesque machine à remonter le temps : j’y mêle le réel et l’imaginaire avec des pérégrinations au cœur de l’histoire. J’y livre ma vision de cet incroyable monde romanesque. Je me sens dans un autre monde, à un siècle d’ici, mais je ne sais pas si c’est dans le passé ou le futur.

L’homme a souvent dû, par le passé, construire ses réalités sur ses rêves. Ou périr. Ce qu’Horace résumait déjà, il y a 2000 ans, par ces vers :" Vaines leurs manigances, vain le sang versé/ Faute d’un poète, les voilà morts".                                                

Chamisso  - Peter Schlemihl 1951 – Cul de lampe ( p 74 )

 

Ecrire sur une femme : ce qui m’intéresse, c’est l’identité. Être sans étiquette, c’est être sans visage. Cette Franziska qui semble inaccessible à Thomas, donc encore plus désirable, est à la fois objet du désir et sujet expiatoire. De ce fait, huis clos oppressant entre deux siècles, ce roman abolit les barrières entre psychologie et fantastique, comme entre rêve et réalité.

Car si la science-fiction est une description du réel, la fantasy est une description de l’irréel.

Je n’avais jamais abordé la fantasy avant d’écrire les premières lignes de Franziska. Le fantastique s’y est imposé de lui-même. Mais ce sont les livres de Jonathan Swift (Gulliver) et de Lewis Carroll ( Alice au pays des merveilles) qui m’ont donné envie de me lancer dans cette aventure littéraire.  

J’ai réuni, empilé, accumulé, inventé une sorte de terrain vague étrange et décalé, coincé quelque part entre le fantasme d’une histoire et la vérité d’un rêve.  Ce roman d’action sentimentale sans actes devient une sorte d’évocation romantique qui permet, aux nostalgiques comme aux romantiques, de remonter le temps et de revivre l’été 1914 en compagnie de Franziska.

Le sujet m’a aidé à renoncer aux chimères, à renouer le contact avec les miens, à revenir en Alsace en quelque sorte. Ce roman tient un discours sur les rapports avec la vraie vie et son image, en dénonçant ceux qui ont de la vérité une conception tellement cérébrale qu’ils veulent absolument faire entrer la vie dans leurs schémas, au point de ne même plus voir les images beaucoup plus belles et convaincantes que ne leur offrent les êtres de chair et d’os.

                                    

                Charles Baudelaire – Les Fleurs du Mal – 1975 – La chevelure ( p 29 – 30 )

 

Je pense qu’il faut être un grand enfant pour écrire ce genre de roman. Pour le lire aussi. Mais comment nier la jouissance intellectuelle qu’il procure. Le lecteur doit se reconnaître en Franziska ou Thomas, car personne n’est jamais vraiment dans la normalité

Il faut suivre l’incursion que tente Thomas dans le domaine du fantastique. Le héros perd ses repères. Et le lecteur aussi. Il sera longtemps hanté par Franziska. Je pense que l’inconscient tient une grande place dans cette aventure littéraire : du jour au lendemain Thomas se retrouve dans un autre monde pour une errance dans un monde improbable sur le fil d’une déambulation inconsciente et fantasmagorique.

Je suis persuadé qu’on ne dira jamais assez ce qu’une destinée doit à ce genre de hasard.

Pour Thomas, cette liaison amoureuse avec Franziska  devient un questionnement permanent de l’identité personnelle et du regard qu’il porte sur soi : Franziska est devenue sa quête du Graal. C’est Moby Dick, une Alsacienne du temps du passé remplaçant la baleine blanche.

Dans ce roman halluciné, en utilisant un thème surréaliste, l’auteur s’interroge. Quelle est la réalité ? Quelle est la vérité ? Des explications existent : dans ces pages, elles sont toutes coupées pour que le roman ait une dimension surréaliste, voire métaphysique. En tant que romancier, je n’ai pas à expliquer : simplement je rôde toujours autour de l’idée que chaque lecteur est doué pour construire sa propre prison (le mariage étant la prison la plus commune).    

Ce roman peint, à travers deux époques éloignées dans le temps, une humanité aux prises avec les mêmes trahisons, les mêmes aliénations, les mêmes illusions. Sorte de conte philosophique sur le destin de l’Alsace  Fiction repeinte aux couleurs de l’Histoire de l’Alsace. La force et l’originalité de ce roman, c’est le subtil mélange de séquences intimistes et d’autres à caractère historique. Le constant va-et-vient entre les vérités de ces deux débuts du XX° et du XXI° siècles verra naître un amour impossible sauf pour ceux qui croient à la force du rêve. 

Le roman déroule la mosaïque de la relation entre Franziska et de Thomas en jouant sur des évocations du passé et des retours au présent. Dans des espaces qui oscillent entre fiction et réalité, les rêves et le réel, on suit les premiers pas de cette liaison étrange. Ce roman est un prétexte à une belle, lente et longue méditation sur ce qui est le faux et l’obligation où est le lecteur est de parler faux pour vivre vrai.

Ce roman s’affranchit des règles de l’écriture convenue : le livre avance avec la lenteur d’un songe. Le monde a la profondeur d’un siècle. Les deux héros dévoilent peu à peu leurs contradictions intimes, leurs blessures et leurs espoirs.

Roman à deux voix et une main : traque de l’intime et du révolu. Une errance à la recherche de soi.

Les deux héros,  Franziska et Thomas, entretiennent un rêve qui explosera une fois confronté à la réalité : ce voyage immobile dans le temps leur inspire les plus ferventes lettres d'amour.

Ces lettres de Franziska écrites sur quelques mois  deviennent toujours plus brèves, plus denses, plus urgentes quand vient la fin (l’encre amère de la dernière lettre).

Mais, en définitive, cette correspondance hors du temps, chargée de romantisme, va permettre à Thomas de s'accepter tel qu'il est, imparfait et amoureux de la vie. En définitive, il n’y a rien qu’elle ne lui confie pas et inversement.

Il ne faut pas une approche cartésienne pour lire ce livre dont l’auteur reconnaît lui-même qui lui a échappé. C’est un monde parallèle où les mots n’ont plus la même valeur, où le réel semble avoir rejoint les songes, où le héros avance comme au bord d’un gouffre.

Baudelaire – Les  Fleurs du Mal – 1975 – Une martyre ( p 106 ).

 

Dans " L’Enéide " deVirgile Enée repart des Enfers par la fausse porte des songes. Pourquoi ?

La réponse est pourtant simple : Enée rencontre Jules César dans les Enfers. Les Romains n’auraient jamais accepté que l’on mélange la fiction et la réalité, surtout s’il s’agit du grand

César. Virgile devait bien trouver une porte de sortie !

"Franziska " est un roman bergmanien : moment d'irrationnel total qui surgit dans un cadre entièrement rationnel, auquel il faut échapper pour qu'il se passe quelque chose. Alors que d'ordinaire, il n'y a pas les silences et les temps en suspens, depuis qu'il a pris ce vieux livre en main, Thomas est obligé d'écouter.

 

 

Parce que l'utopie a été balayée de notre horizon, " Franzizka " risque de déconcerter les esprits cartésiens : or, un roman doit casser le mur entre la fiction et la réalité.

Raconter une histoire d'amour avec un décalage de cent ans. Pénétrer dans un livre comme dans un autre monde, un univers onirique où le passé et le présent sont confondus doit donner  au lecteur l'envie d'y croire et d'en être, lui aussi : on peut, par instants, avoir du mal à croire à ces personnages séparés par le temps, mais peu importe en ce sens que l'on ne cesse jamais d'avoir envie d'y croire.

 

 

 C’est l'interrogation obsessionnelle de l'écrivain sur le lien possible entre les mots et la réalité.

 

                                          Baudelaire – Les Fleurs du Mal – 1975 – Le balcon ( p 32 )

Conclusion : la morale de ce roman, c'est que le destin existe : une prison psychique aux murs invisibles où se tissent des liens amoureux au fil de la réalité déchirée du temps écoulé. C’est une sorte de roman sur le paranormal de la lignée de " Sixième Sens ". C'est une histoire de croyance. Des êtres du passé peuvent réapparaître et cela fait partie de la vie. Tout le roman " Franziska " vient de là.

Et l’un des spécialistes de la littérature fantastique, Jorge Luis Borges (1899-1986), dans l’une de ses conférences prononcées à Montevideo en 1949, énumère quatre grands thèmes qu’il juge fantastiques et qui structurent son œuvre : le thème de l’œuvre d’art contenu dans l’œuvre, le thème de la contamination de la réalité par le rêve, enfin le voyage dans le temps, et le dédoublement. Il pose aussi de grands problèmes existentiels tels que la conception de l‘infini, et développe la métaphore obsessionnelle du labyrinthe pour rendre compte des errances de l’être humain. Cette généralisation de l’étrange a risqué de chasser le fantastique. Or rarement le fantastique n’a atteint ce très haut point de réflexion philo. Quand Jorge Luis Borges écrit " Le Livre de sable ", c’est un livre infini ; il n’y a plus de décalage entre le temps de la lecture et le Temps.

Et comment ne pas conclure avec Robert Beltz quand, dans " Cyrano de Bergerac ", il nous confie: " Mon dessein était de monter à la lune. J’avais fait une machine que je m’imaginais capable de m’élever autant que je voudrais. Rien n’y manquait, je m’assis dedans et me précipitai en l’air. "

 

Cyrano de Berger – Textes et dessins inédits – Yvonne Beltz – 1981.

Le 9° Festival du Livre Illustré ouvrit, cette année, ses portes le 29 mai au Château d’Anthès de Soultz.

 

         Un magnifique soleil offrit la possibilité de faire les ateliers pour les enfants autour des marronniers du parc pour la plus grande joie des participants. Francis Hungler initia son jeune public à la technique de la gravure avec encrage et passage à la presse.

L’atelier de gravure dirigé par Francis Hungler : un tirage.

         Sylviane Ferenbach dirigea la création de livres monstres via le collage de divers matériaux – feutrine, fil de plastique, ficelle, carton, etc. Chaque enfant créait une page… Les monstruosités se donnèrent la main pour le plus grand plaisir des jeunes bambins.

         Marina Krüger poussa les enfants à transformer de vieilles brochures via des  liaisons colorées entre diverses lettres choisies au départ, puis  de poursuivre les traits selon les inspirations du moment pour aboutir à des illustrations baroques surprenantes.

         Toutes ces techniques offrent la possibilité de changer le regard face à une création d’artiste, face à une gravure du fait de connaissances nouvelles acquises.

         Dans la belle salle voûtée la librairie « Le Grimoire «  et  la « librairie Dubich » proposèrent à la vente des ouvrages illustrés.

         Vu que, cette année, le Prix Robert Beltz fut décerné à une artiste d’Italie, M. et Mme François Pichioné acceptèrent avec plaisir de traduire aussi bien nos propos du français à l’italien que ceux de la lauréate de l’italien au français, le président ne sachant pas l’italien !!

          Le jury   a couronné  lauréate du “  Prix Robert Beltz 2010  Diana Byckova qui habite à Milan pour l’illustration du livre ” SILENCE » d’Oleg Prihodko. Ce  livre de 27,5 X 40 cm glissé dans un emboitage ajouré comprenant en supplément un livret avec le texte de l’auteur russe en anglais,  comporte 44 pages et 20 gravures à l’eau forte sur papier Hahnemühle.  Le livre fut tiré en 10 exemplaires numérotés de I à X en chiffres romains et 80 exemplaires numérotés de 1 à 80 et 3 exemplaires hors commerce, tous  signés par l’auteur et l’artiste.

L’exemplaire envoyé porte le n° IX / X.

 

 

Une page de l’ouvrage « Silence « de Diana BYCKOVA.

 

         Madame Byckova remercia chaleureusement  l’association  et précisa qu’elle trouvait normal d’offrir  en contrepartie le livre exposé à notre association. Le président remercia vivement l’artiste pour ce geste généreux  et – en accord avec Nathalie Schellebaum, la directrice de la médiathèque -  fit savoir à l’artiste primé que son livre serait exposé sous vitrine durant 6 mois en la médiathèque dans laquelle défilent des  centaines d’abonnés au courant de la semaine.

 

                                                                                                                            Le prix Illustr’Art  a pour objet de distinguer les illustrateurs d'albums édités dans les deux dernières années pour la jeunesse et  utilisant comme mode d'illustration la gravure sous toutes ses formes , Le Prix Illustr’Art 2010 , soit un chèque de 800 €,  fut décerné à Madame Brigitte RIO qui habite à  Paris.

 

         L’ album  « Un  Petit chaperon rouge »  de 11 pages de 15 X 70 cm  comprend 8 pages qui dépliées offrent  sur 71 X 123 cm des xylogravures en 4 couleurs, avec  inclusion d’éléments à la pointe sèche sur papier BFK Rives 250 g, rehaussées à l’aquarelle. Cet ouvrage est publié par les éditions « Eau Courante ».  La conception et la réalisation sont de Brigitte Rio. Il a été tiré un exemplaire d’artiste et 3 exemplaires numérotés de 1 à 3 et signés par l’artiste. Ce livre fut achevé à Arcueil en février 2010. L’exemplaire envoyé porte le n° 2/3.

 

     La lauréate, légèrement intimidée, remercia,  un beau sourire illuminant son visage, l’association en précisant que son ouvrage serait exposé à Bischheim dans le Bas-Rhin à l’automne.

                                    

 

 

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